Un Congolais qui dérange
2023
Gouache, acrylique, aplat au crayon, pastel avec effet de gravure et écrits au feutre à encre sur carton kraft
50x70 cm
L'ancien premier ministre, Patrice Lumumba a joué un rôle majeur dans la lutte pour l'indépendance du Congo qui finalement eut lieu le 30 juin 1960. Cette date fut marquée par son discours virulent dénonçant les abus de la politique coloniale belge depuis 1885. Assassiné quelques mois plus tard, sa mort contribua à faire du leader congolais un héros national en RD Congo et une icône du panafricanisme et de l'histoire des indépendances africaines.
Ce portrait est un hommage à Patrice Lumumba et à son oeuvre dont on hérite encore aujourd’hui.
Un héros national et Panafricain
Patrice Lumumba est distingué et rejoint le rang des évolués, autorisés par le pouvoir belge à s'élever dans la société coloniale. Initialement influencé par le paternalisme colonial, il se rallie aux idées anticolonialistes en 1958, fondant le Mouvement national congolais à Léopoldville. Des rencontres cruciales avec des figures telles que Frantz Fanon et Kwamé Nkrumah lors de la Conférence des peuples africains marquent un tournant dans sa pensée politique.
Les couleurs arborées dans ce portrait de Patrice Lumumba, symbolisent son engagement dans le mouvement panafricain visant à défendre les peuples africains contre l'esclavage, la discrimination et la domination coloniale.
Le 30 juin 1960
Désormais fermement en faveur de l'indépendance, il est arrêté par les autorités belges en 1960. Son arrestation et le front uni des dirigeants congolais face au pouvoir belge accélèrent le chemin vers l'indépendance le 30 juin. Après sa libération, il remporte les premières élections libres du pays, devenant Premier ministre. Le jour de l'indépendance, il réagit vigoureusement aux propos du roi Baudoin de Belgique, exprimant sa ferme volonté d'exercer la souveraineté conquise face au colon. Les élites belges, malgré leur prétendu soutien à l'indépendance, cherchent à maintenir l'exploitation des ressources congolaises, suggérant que les Congolais ne sont pas prêts pour une réelle autonomie.
On retrouve sur l’aplat vert à l’arrière-plan du dessin le discours prononcé par Patrice Lumumba considéré comme un texte fondateur de l’histoire congolaise et africaine.
L’assassinat d’une démocratie
Inquiet, le gouvernement belge fomente une rébellion au Katanga contre les aspirations unitaires de Lumumba. En septembre 1960, un coup d’État soutenu par la CIA renverse son gouvernement. Assigné à résidence, Lumumba s’enfui mais sera rattrapé et livré avec la complicité des autorités belges aux rebelles du Katanga, qui l’assassineront le 17 janvier 1961 avec ses deux compagnons Joseph Okito et Maurice Mpolo.
Dans le portrait, la bande traversant sa bouche symbolise la censure. Lors de son arrestation, peu avant son assassinat, un soldat força une feuille avec le texte du discours de Lumumba dans sa bouche. Une manière symbolique de lui faire ravaler ses mots pris comme un affront par le colon belge.
Une mémoire à construire
Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, leader de l’indépendance congolaise et premier Premier ministre démocratiquement élu, est assassiné. Une mort tragique orchestrée par les autorités belges.
Son corps et ceux de Joseph Okito et Maurice Mpolo seront découpés et dissous dans de l’acide sulfurique. Dans les années 2000, un policier belge avoue avoir participé à l’opération et avoir conservé une dent du leader indépendantiste, restituée par la justice belge en 2020 aux enfants de Lumumba. Après 60 ans et de nombreuses luttes qui continuent à ce jour, Patrice Lumumba recevra enfin une sépulture officielle en République Démocratique du Congo.
Son nom est inscrit en grandes lettres dans l’oeuvre dans l’optique de faire exister sa mémoire et le rendre présent malgré la tentative de l’effacer.
L’héritage de Lumumba
« Lumumba devint en un rien de temps un martyr de la décolonisation, un héros pour tous les opprimés de la Terre, un saint du communisme sans dieu », résume David van Reybrouck dans son ouvrage Congo, une histoire. Malheureusement la pensée politique du héros national est peu diffusée dans le monde. En effet, Patrice Lumumba fût l’un des premiers dirigeants à prôner une justice sociale et économique dans son pays dont l’unité est toujours fragile. La méconnaissance de sa pensée et de l’histoire renforcent cette fragilité. Dans sa dernière lettre adressée à sa femme depuis la prison dans laquelle il fut enfermé avant sa mort, il partagea ses pensées patriotiques et sa foi en la liberté de son pays:
“Tout au long de ma lutte pour l'indépendance de mon pays, je n'ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions…”.
La transparence de la bande surmontant sa bouche dans le portrait, révèle que malgré la volonté de l’effacer lui et ses idées, sa pensée soit quand-même transmise. Nous avons le devoir de maintenir sa présence au travers elle, car son combat est toujours d’actualité.
1925-1961